Les Québécois dans le monde

LES QUÉBÉCOIS DOIVENT SE CONNECTER AU MONDE

Montréal et le Québec ont tout à gagner à s’internationaliser davantage

En janvier prochain, le New York Philharmonic interprétera le Boléro de Maurice Ravel.

Connu à Montréal pour avoir été l’un, sinon le chef-d’œuvre d’interprétation de Charles Dutoit, le Boléro est la plus répétitive des grandes œuvres de musique classique. Ce sont les effets d’orchestration qui cassent la monotonie de la mélodie et du rythme, permettant aux instruments, un à un, de dévoiler leur personnalité propre.

C’est la flûte traversière qui, à la cinquième mesure, se lance la première. Les spectateurs rassemblés au Lincoln Center seront plongés dans l’envoûtement de l’air du Boléro par le jeu exceptionnel de Robert Langevin, premier flûtiste de l’orchestre. Comme son nom le laisse deviner, Langevin est francophone. Pour être plus précis, il s’agit d’un Québécois qui, avant d’être recruté par le New York Philharmonic en 2001, était l’un des musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal.

BRILLER À L’ÉTRANGER

Ceux qui suivent le hockey ont l’habitude de voir des compatriotes briller ailleurs. Mais il n’y a pas que Patrice Bergeron ou Martin St-Louis qui ont pris racine à l’étranger et s’y illustrent : Stéphane Aquin dirige le musée Hirshhorn d’art contemporain de Washington ; Jean-François Prud’homme est directeur académique de l’un des centres d’enseignement supérieur et de recherche les plus prestigieux d’Amérique latine, le Colegio de México ; Charles Lambert dirige le bureau de Kuala Lumpur de la grande firme de conseil Bain & Company ; Clément Vachon dirige de Milan le service des communications et des relations internationales de Sanpellegrino, l’eau pétillante que l’on retrouve dans les grands restaurants ; Nadine Baudot-Trajtenberg est numéro deux de la Banque d’Israël, à Jérusalem ; Jean-François Fullum dessine les souliers futuristes chez New Balance, à Boston.

Montréal a toujours été un lieu de passage d’où l’on partait pour échanger des fourrures dans des contrées lointaines, puis du bois, puis du grain.

Montréal, seule ville canadienne hôte de l’ONU par son siège de l’Organisation de l’aviation civile internationale, est connectée au monde. Aussi, il n’est pas surprenant que des citoyens d’ici se soient, hier, rendus jusqu’au bout du continent pour y fonder des villes comme Saint Louis et, aujourd’hui, aient intégré les plus grandes organisations publiques et privées du globe.

Paradoxalement, nous évoluons en quelque sorte en marge du monde. Par exemple, le fabuleux livre anniversaire du Monde, quotidien de référence de nos cousins français, et qui trace 70 ans de manchettes, ne fait pratiquement jamais état de l’existence du Québec ou de Montréal. Aussi, notre société est une sorte de cuvette, pour reprendre l’expression de Marcel Côté, où il est facile d’évoluer sans être confronté à ce qui se passe ailleurs, protégés que nous sommes par la barrière linguistique.

Il y a trois ans, Montréal International, qui a pour mission de stimuler les investissements étrangers dans la métropole, a lancé une initiative visant à rassembler les expatriés pour les transformer en ambassadeurs. Le projet, qui partait d’une intuition convaincante, a cependant fait chou blanc puisqu’il s’est résumé à la mise en place d’un groupe LinkedIn qui rassemble quelques centaines de Montréalais… vivant principalement à Montréal.

Bien qu’elle soit difficile à réaliser, l’entreprise de mobiliser ceux qui vivent à l’étranger pour soutenir le développement et le rayonnement du Québec et de Montréal doit perdurer. Difficile, parce que la place et la pertinence du Québec dans le monde n’ont jamais été aussi ambiguës, le Québec étant passé de nation à province pour une part croissante de la population. Difficile aussi parce que la structure par laquelle une telle chose pourrait naturellement s’organiser, soit le réseau des délégations du Québec, a subi coupe budgétaire après coupe budgétaire depuis deux décennies, tous gouvernements confondus.

Nécessaire, toutefois, parce que c’est en étant connecté au monde que le Québec pourra innover, puisque les nouvelles idées et pratiques viennent souvent de mises en relation et d’échanges avec le monde extérieur.

À cet égard, il n’y a qu’à se rappeler que c’est parce qu’une dizaine de volontaires français sont venus visiter Portneuf puis Saint-Hyacinthe au début des années 70, nous livrant le secret des fromages au lait cru, que nous avons aujourd’hui une production fromagère aussi sophistiquée.

En somme, Montréal et le Québec ont tout à gagner à s’internationaliser davantage, entreprise qui serait grandement facilitée par la mobilisation de nos concitoyens qui vivent à l’étranger.

Ce texte a été publié dans La Presse+