Les enfants et le centre-ville de Montréal
Les plus beaux souvenirs que je garde de mon année d’études en Europe sont les promenades dans les capitales et cités avec ma fille qui, à l’époque, avait 5 ans.
Chaque nouvelle ville permettait de découvrir dans ses places publiques et grands parcs de nouvelles attractions fabuleuses. Des carrousels avec leurs animaux imaginaires, des ânes et des poneys en chair et en poils pour faire le tour d’une allée, des véhicules artisanaux pour faire la course, des petits bateaux téléguidés sur les points d’eau, des câbles élastiques pour faire le singe.
Aux États-Unis, les parcs sont un peu moins conviviaux et animés. Surtout, stricte interdiction de prendre l’apéro pendant que les enfants jouent. On s’en tient au café Starbucks !
Mais tout de même. Un passage obligé pour toute famille à New York est le zoo de Central Park, une miniature de grand jardin zoologique. À Boston, c’est une promenade dans le Common, l’un des plus vieux parcs urbains du continent, où un terrain de jeux orné de grenouilles géantes donne une pause aux parents.
En fait, à ma connaissance, la seule métropole qui ait oublié les enfants dans l’aménagement de son centre-ville est… Montréal.
Cet oubli est frappant. Lorsqu’on lit, par exemple, la Stratégie centre-ville publiée en 2017 par la Ville de Montréal et qui vise à « soutenir l’élan », soit consolider les quartiers centraux comme des quartiers mixtes, complets et surtout habités, les deux seules références aux familles portent sur l’importance de construire des appartements multichambres, puis des écoles. C’est bien, mais pas assez. Aucune volonté de rendre le territoire rigolo.
Prenez, par exemple, le Quartier des spectacles. Ouvert à tous, sauf aux enfants !
Alors que les grandes institutions culturelles ont toutes développé une programmation destinée aux écoliers, personne n’a pensé aux débarcadères pour les autobus scolaires. Le résultat ? Ces institutions doivent, à chaque visite d’école, dépenser des milliers de dollars pour se payer les « services d’affaires » du SPVM, qui bloque la rue Saint-Urbain pour permettre aux chérubins de se rendre à la Place des Arts en toute sécurité. L’arnaque !
On le sait, le Québec est fou de ses enfants. Mais justement, c’est comme si on avait voulu développer le centre de la métropole en marge de cette identité nationale.
Le centre-ville et sa Main, c’est historiquement la zone maudite, le Red Light, le lieu de perdition. On y boit, on s’y bat, on y perd son âme. Mais alors que le territoire s’est métamorphosé ces trois dernières décennies, à un point tel qu’il s’agit du quartier central le plus habité d’Amérique du Nord après celui de New York, toutes proportions gardées, personne n’a cru bon d’en prendre note et d’agir diligemment.
Honte à nous ! Et honte à ceux qui aménagent le centre-ville et invoquent sa complexité pour ne rien faire.
À Paris, on a réussi à aménager un parc de trampolines en plein cœur du Jardin des Tuileries, qui précède la fondation même de Montréal, ou aménagé un « terrain d’aventures » en plein cœur des Halles, qui précèdent carrément la découverte de l’Amérique ! Il doit bien y avoir une façon de trouver des espaces adéquats dans le cœur de notre centre-ville et du Vieux-Montréal !
Si on ne le fait pas pour nos enfants, et il y a tout de même 6700 individus de moins de 14 ans qui habitent le centre-ville (ce qui est plus important que la population totale de Port-Cartier ou de Mont-Joli !), faisons-le alors pour la visite. Selon Tourisme Montréal, le cinquième (21 %) des touristes qui visitent notre ville voyagent avec un ou plusieurs enfants. Il faut être parent pour savoir à quel point les lieux consacrés aux enfants améliorent l’expérience globale.
Surtout, un territoire accueillant pour les enfants l’est pour tous. Des artères sécurisées, une réduction, sinon carrément l’élimination du flot de circulation, du mobilier, des couleurs et des éclairages gais et amusants. Qui dit mieux ?
Il faut agir. Il faut rendre le centre-ville plus accueillant pour les enfants. Et cela commence par l’aménagement d’espaces qui leur sont consacrés. Espaces superbes et inspirants, en marge de la ville, et pourtant en son cœur.
Ce texte a été publié dans La Presse+