La présence Québec dans monde

L'INQUIÉTANT DÉCLIN DE LA PRÉSENCE DU QUÉBEC OUTRE-FRONTIÈRE

Les bas-fonds des relations internationales du Québec ont peut-être été atteints durant la visite officielle en France du premier ministre Jean Lesage, en octobre 1961. Durant le dîner d’État offert par le général de Gaulle, la femme du ministre de l’Agriculture et de la Colonisation a porté un toast en s’adressant à son voisin de table : « Vous parlez tellement bien que vous devriez écrire ! » Ce voisin était... André Malraux, auteur de La condition humaine, déjà reconnu comme l’un des grands écrivains de sa génération.

Plus récemment, la vente de la résidence du délégué du Québec à Londres a été tout aussi ridicule. D’abord proposé par Jean-François Lisée, qui y voyait une façon ingénieuse de répondre à la demande de compression exigée par l’effort d’équilibre budgétaire du gouvernement, le projet a finalement été exécuté par le gouvernement de Philippe Couillard. Les quelques millions réalisés lors de la transaction sont allés se perdre dans les milliards du Fonds consolidé, et le premier représentant du Québec au Royaume-Uni s’est installé à l’hôtel, puis dans un flat confortable, mais qui n’offre plus la même capacité de recevoir et donc, de cultiver nos réseaux.

Alors que le Québec est plus que jamais une province et que Montréal ressemble trop souvent à un assemblage d’arrondissements, il y a matière à s’inquiéter sur le lent et constant déclin de notre présence outre-frontière. Il y a 15 ans, le ministère des Relations internationales disposait d’un budget de 107 millions de dollars. Aujourd’hui, c’est 96 millions. Une diminution de 11 %, qui ne tient compte ni de l’inflation ni du fait que le budget global du gouvernement du Québec a, pendant ce temps, augmenté de 61 %. Un ministère plus petit, et de plus en plus marginalisé au sein de l’appareil gouvernemental.

À l’ère de Skype et des autres outils numériques qui permettent de tenir des réunions d’un bout à l’autre du monde sans sortir du confort de son bureau, la pertinence de soutenir l’action internationale du Québec se pose. Mais prenons par exemple Moment Factory, le studio qui a conçu et réalisé l’éclairage du pont Jacques-Cartier ou animé la performance de Madonna au Super Bowl. On soupçonne bien que les dirigeants de cette entreprise, citée encore et encore comme un exemple de succès d’affaires du Québec inc., savent utiliser Skype.

Ce qu’on sait moins, c’est que si Moment Factory est aujourd’hui connue dans le monde, c’est en grande partie grâce à la paradiplomatie.

En 2012, Montréal avait été invité par Barcelone à participer à la Mercè, une fête qui se tient tous les 24 septembre en Catalogne. En guise de présent, nous avons offert la mise en lumière de la Sagrada Familia par un studio qui était non seulement inconnu, mais dont le domaine d’expertise, soit la création d’environnements immersifs par la lumière, l’était tout autant. Le résultat a été époustouflant, et le reste appartient à l'histoire.

Autre exemple : SOPREMA, multinationale française qui fabrique des produits d’étanchéité comme des membranes de toit et dont 10 % de la force de travail est aujourd’hui au Québec, a été invitée à s’installer à Drummondville et Chilliwack par nos services diplomatiques. Idem pour Pechiney, qui a été la deuxième aluminerie (après Alcan) à acheter un bloc d’énergie d’Hydro-Québec, ce qui nous a positionnés comme leader mondial dans ce secteur. Et un peu la même histoire pour Bombardier Transport, qui a commencé à produire des trains à La Pocatière parce que nous avions importé une technologie française pour la construction du métro de Montréal, inspiré de celui de Paris.

En définitive, sommes-nous donc aujourd’hui si riches que nous croyons pouvoir nous couper du reste du monde sans conséquence ?

Revenir en arrière paraît impossible : l’atteinte de l’équilibre budgétaire a été un projet sociétal trop pénible pour que la population accepte que nous ouvrions tout grand la vanne pour soutenir un investissement dont les retombées sont obscures et lointaines.

CONJUGUER LES EFFORTS

Une solution, par contre, pourrait être le rassemblement des efforts internationaux aujourd’hui dispersés au sein de plusieurs organismes publics du Québec. Le ministère des Relations internationales aurait comme mandat d’organiser la concertation avec celui des Finances, dont les ventes d’obligations sur les marchés mondiaux se font de manière autonome, avec celui du Tourisme, Hydro-Québec, Investissement-Québec, Montréal International, et tout autre organisme qui, d’une façon ou d’une autre, cherche à appuyer les exportations ou attirer les investissements. Fini l’éparpillement.

L’idée, ici, ne serait pas d’avoir une action unique, ni que les diplomates du Québec fassent le travail de leurs collègues, mais plutôt de rassembler les efforts pour donner à l’action de chacun une plus-value qui la rentabiliserait davantage.

Dans le même esprit, on pourrait mandater la Caisse de dépôt et placement du Québec et son bras immobilier, Ivanhoé-Cambridge, pour qu’elle profite de sa présence exceptionnelle à l’international pour agrandir le réseau de maisons du Québec dans les principales villes du monde. Cela permettrait un redéploiement de nos ancrages outre-frontière, à moindre coût.

Fort de cette poussée vers une stratégie économique internationale cohérente, le Québec vivrait une véritable renaissance de ses relations internationales. Cette poussée nous permettrait par ailleurs de faire avancer les autres champs qui demandent une attention urgente en cette matière, telle que la diplomatie formelle, en particulier dans la Francophonie, l’éducation et la culture.

Ce texte a été publié dans La Presse+