Je vois encore Montréal

Il y a cinq ans cette semaine, 1500 citoyens se sont rassemblés à la Place des Arts pour participer à « je vois mtl », un mouvement lancé par L. Jacques Ménard et Claude Gagnon (BMO) puis Michel Leblanc (Chambre de commerce du Montréal métropolitain) et qui cherchait à mobiliser la société civile pour la relance de la métropole, empêtrée jusque-là dans un méchant passage à vide (fusion/défusion, corruption, économie stagnante, maires en série, printemps érable, alouette !).

À leur appel, les leaders de la communauté, tous secteurs d’activité confondus, ont décidé de prendre les choses en main et de parrainer un projet qui s’inscrirait dans une histoire de changement composée de trois piliers : le talent, l’entrepreneuriat et le cadre de vie.

Le résultat ? 181 projets mais surtout, un électrochoc collectif qui a contribué à mettre fin à la morosité ambiante. Cela, couplé à l’énergie générée par le 375e anniversaire de fondation de Ville-Marie et l’élection d’un maire dynamique, Denis Coderre, a mis la table pour la période de prospérité que nous vivons aujourd’hui et qui se nourrit depuis des politiques et investissements publics et privés travaillés de longue date.

Tout n’est pas parfait et on aurait tort d’embrasser le rôle de la cigale plutôt que celui de la fourmi !

Mais on aurait tout aussi tort de sous-estimer l’importance de ces grands événements pour le moral des troupes, et plus encore l’importance du moral des troupes sur notre prospérité collective.

Bien que l’appel à projets de « je vois mtl » était public et ouvert à tous, la grande majorité des initiatives présentées étaient le résultat des rencontres de l’équipe de projet. À l’époque, j’ai parcouru Montréal de long en large avec deux acolytes, Marie-Pier Veilleux (CCMM) puis, un peu plus tard, Diane De Courcy (ex-ministre), pour convaincre les leaders d’entreprises et d’organisations publiques ou communautaires de répondre à l’appel et de faire un geste pour la relance.

TROIS NOUVEAUX LEADERS

Aussi, s’il y a une chose que je regrette, c’est de n’avoir pas eu assez de temps pour rencontrer encore davantage de leaders et ainsi recevoir davantage de projets.

Si on me donnait la possibilité de revenir en arrière le temps de démarcher trois nouveaux leaders, je viserais d’abord le consortium des radiodiffuseurs, Radio-Canada en tête, qui ont permis par le passé aux Montréalais d’avoir accès à une radio puis une télévision de qualité… mais au prix d’une antenne horrible qui surplombe la ville.

Vue de l’est, l’antenne domine la Croix qui rappelle celle plantée par De Maisonneuve en 1643. Si bien qu’à partir de l’avenue du Mont-Royal, sa forme de fourchette laisse croire que le diable a la mainmise sur la métropole. Ce n’est tout simplement pas à la hauteur de l’ensemble civique et institutionnel du mont Royal, d’une richesse patrimoniale exceptionnelle, pas plus que la forêt d’antennes qui entoure l’Oratoire.

J’inviterais donc le consortium à lancer un concours de design international pour remplacer l’affreuse antenne par une antenne-sculpture qui deviendrait un nouveau point de repère de la métropole, un peu comme l’a fait Barcelone.

Ensuite, j’irais voir les deux grandes compagnies de train, le CN et le CP, propriétaires des grandes lignes ferroviaires qui parcourent l’île de Montréal. Témoins du passé industriel de la métropole, ces voies ferrées coupent ou isolent aujourd’hui plusieurs quartiers.

Mais lorsqu’on emprunte le chemin aménagé à l’axe de la voie ferrée qui suit le boulevard Rosemont, on réalise à quel point nous sommes ailleurs.

Loin des automobiles, qui gâchent partout ailleurs l’ambiance urbaine, et entouré d’une végétation qu’on voit généralement à la campagne, c’est un espace hors de la ville, au cœur de la ville.

J’inviterais donc le CN et le CP à faire équipe avec d’autres partenaires pour développer une grande promenade qui longerait l’ensemble du réseau ferroviaire de la métropole et constituerait ainsi un réseau vert inspirant et guérisseur.

Troisième étape : je prendrais un billet aller-retour pour Paris, où je voudrais rencontrer Bernard Arnault, PDG du groupe de luxe LVMH, et sa femme, la pianiste de concert québécoise Hélène Mercier. Tous deux, parmi les 10 plus grandes fortunes du monde, sont aussi de grands mécènes. Il suffit à cet égard de visiter le tout nouveau musée de la fondation Louis-Vuitton, dessiné par Frank Gehry et qui se situe dans le Jardin d’acclimatation au bois de Boulogne, pour saisir la force de frappe de leur générosité.

Je rappellerais respectueusement au couple franco-québécois que le père de Madame a été le second président de la Société de la Place des Arts dans les années 60. Aussi, je proposerais qu’on honore sa mémoire contre un don majeur pour démolir puis reconstruire le Musée d’art contemporain de Montréal, dont l’architecture actuelle est une plaie pour le Quartier des spectacles, l’immeuble tournant le dos à la place des Festivals (qu’on devrait nommer la place Oscar-Peterson, quant à moi, mais ça, c’est une autre histoire !).

Le projet, dessiné par Saucier+Perrotte, est exceptionnel. Mais annoncé en 2014, il piétine depuis, faute de budget conséquent. Que LVMH vienne à la rescousse et contribue ainsi à Montréal métropole culturelle.

Voilà donc les trois projets supplémentaires que j’aurais voulu voir atterrir à « je vois mtl ». Et vous, quand vous rêvez la ville, quels gestes imaginez-vous ? Et surtout, à quoi seriez-vous prêts à vous engager pour faire de Montréal une ville plus prospère ?

Ce texte a été publié dans La Presse+

Félix-Antoine Joli-Coeur