Montréal et le Québec
POUR UN NOUVEAU RÉCIT COLLECTIF DE MONTRÉAL
Comment permettre à la métropole de mieux tirer avantage de ses formidables atouts ? Peut-être en commençant par réinventer l’histoire que les Montréalais se racontent à propos de leur ville.
Après Boston, Montréal est la ville nord-américaine qui compte le plus grand nombre d’étudiants par habitant, et ses leaders économiques, politiques, sociaux et culturels le répètent souvent. Avec raison, d’ailleurs : c’est peut-être le principal atout de la métropole du Québec. Paradoxalement, demandez à ces mêmes leaders le nombre d’universités que l’on retrouve à Montréal et la réponse variera d’une personne à l’autre.
Ce flou, de prime abord, tient au manque de consensus sur ce qu’est une université. On répondra quatre si on ne tient compte que des universités multifacultaires (Concordia, McGill, Montréal et uqam), sept ou huit si on considère les établissements unifacultaires (hec Montréal, Polytechnique, l’éts et l’inrs, qu’on ne sait jamais si on doit compter ou non) et onze si on ajoute la téluq, l’enap et l’Université de Sherbrooke à Longueuil, qui complètent avec pertinence et originalité l’offre des études supérieures de l’agglomération montréalaise.
Mais parce qu’on retrouve ce flou dans tant d’autres sujets, quand on parle de Montréal — à commencer par la définition même de ce dont on parle (la ville, l’ile, la région métropolitaine) —, on peut avancer que notre difficulté à dénombrer nos universités ne s’explique pas seulement par un manque de consensus dans le jargon universitaire, mais par un manque de clarté sur ce qu’est Montréal, carrément, et par notre difficulté à faire émerger une histoire commune.
NATION-BUILDING CONTRE CITY-BUILDING
S’immerger dans le Montréal pré-Révolution tranquille en lisant Gabrielle Roy ou Mordecai Richler nous ramène à une époque révolue. Entre la ville d’alors et celle d’aujourd’hui se dressent plus d’un demi-siècle d’initiatives fructueuses ou funestes qui ont métamorphosé notre cadre urbain et notre tissu social. Pourtant, cette transformation est une tache aveugle dans notre imaginaire collectif.
Ce que nous avons collectivement construit, depuis 50 ans, c’est le Québec. Nous avons pris le Canada français et avons joint ses frontières à celles de la province, nous avons créé des ministères de l’Éducation, de la Santé et de la Culture, nous avons chassé les soutanes et sauté à pieds joints dans la modernité. Surtout, nous avons mis beaucoup, beaucoup d’efforts à préparer le Québec pour qu’il devienne un pays ou un acteur dynamique de la fédération canadienne, selon les préférences personnelles de chacun.
Ce travail a fait du Québec une terre avant-gardiste, aujourd’hui reconnue comme nation par la Chambre des communes et membre de plein droit de l’Organisation internationale de la francophonie. Mais toute cette énergie consacrée au nation-building n’a laissé que peu d’espace mental pour réfléchir à ce qu’est et ce que devrait être la métropole.
Cette obsession à bâtir le Québec n’a pas freiné outre mesure le développement de Montréal, réputée de par le monde comme une ville moderne et sophistiquée. Mais elle a cependant atrophié la construction d’une vision partagée de Montréal.
Ainsi, des faits qui devraient être au centre de notre attention collective sont à peine connus. Exemple : Montréal est certes la deuxième ville étudiante d’Amérique du Nord, mais nous avons paradoxalement le plus faible taux de diplomation universitaire, ce qui explique en grande partie notre sous-performance économique. Exemple : Montréal a l’un des centres-villes les plus dynamiques du continent, le dixième du pib du Québec étant généré dans les dix kilomètres carrés délimités géographiquement par l’uqam, McGill, Concordia et le fleuve. Exemple : la moitié de la population du Québec habite l’agglomération montréalaise, un ratio nation/métropole exceptionnel, que l’on ne retrouve que dans certains pays d’Amérique du Sud.
Notre récit collectif de ce qu’est Montréal passe sous silence ces éléments fondamentaux et tant d’autres, non par oubli ou par déni, mais parce que l’idée même que nous partageons une histoire et un avenir urbain communs est une notion nouvelle, émergente.
… … …
Le texte complet a été publié dans Nouveau Projet