L'aménagement urbain et la mobilité durable

Dans la toute dernière pub radio de Ford, un homme qui s’apprête à acheter un F-150 lui assure que leur relation en sera une sur le long terme. Parler à son camion est peut-être signe de bêtise, mais le cœur du message, lui, est pourtant juste.

Alors que dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat les Canadiens se sont engagés à réduire leurs émissions annuelles de carbone de 187 millions de tonnes, dès 2030, et que le transport routier représente le tiers des émissions du Québec, agir aujourd’hui pour être prêt à la fin de la décennie est un impératif puisqu’un véhicule sera sur la route, en moyenne, plus de 10 ans.

En d’autres mots, chaque véhicule à essence vendu aujourd’hui élève la barre qu’on devra franchir demain.

Et cette barre est déjà haute. Pour l’atteindre, il faudra sortir du réseau routier du Québec le quart du parc des véhicules à combustion, soit plus de 1 million de véhicules. Et parce qu’il est impensable de voir une telle révolution à court terme dans les régions, le territoire étant trop vaste et étendu pour priver les citoyens hors des grands centres urbains du transport individuel, le défi du Québec est d’abord et avant tout celui du Grand Montréal.

La pilule miracle est la voiture électrique. Mais attention : son développement se fait en simultané avec celui de la voiture autonome. Or, des projections sérieuses montrent que le véhicule intelligent pourrait causer une augmentation de l’utilisation du réseau routier de 25 %. Cela parce qu’il pourra être utilisé par tous (même ceux qui n’ont pas de permis de conduire) et parce qu’il libérera le conducteur des tâches les plus ennuyantes, par exemple se trouver du stationnement (on pourra débarquer à la porte principale de notre destination et houp, la voiture ira sagement se stationner).

Ce futur pas si lointain, c’est un peu celui qu’on voit poindre avec, par exemple, le dévoilement du Cybertruck, en novembre dernier. Le tout dernier véhicule électrique de Tesla, à l’allure d’un char d’assaut avec des vitres blindées (?!?), protégera ses passagers des cités devenues hostiles et invivables, comme on en voit dans les films de science-fiction les plus sombres.

DES SOLUTIONS SIMPLES

On a beaucoup parlé des besoins en infrastructures de transports en commun et des mécanismes à mettre en place pour favoriser la voiture électrique. À cela il faut ajouter deux solutions simples et puissantes : le covoiturage et la voiture en libre partage.

Aller de chez soi à son travail à l’heure de pointe, seul au volant, avec sous ses pieds une voiture de plus de 1 tonne doit faire partie du folklore comme, par exemple, s’allumer une cigarette au restaurant entre le plat principal et le café.

Alors qu’étirer de 5 centimètres sa main pour enclencher le feu clignotant de son véhicule et ainsi signaler un changement de voie représente un effort démesuré pour une majorité de conducteurs, force est de constater qu’on ne peut pas s’en remettre aux « révolutions individuelles ».

C’est aux villes d’agir pour changer les choses. Aussi, il est plus que temps de comprendre le plan du Grand Montréal pour réduire drastiquement l’utilisation de « l’auto solo », d’en faire la promotion et de créer une véritable révolution.

Ce plan pourra comprendre plusieurs actions fortes. En voici trois.

D’abord et avant tout, il faut donner un avantage significatif à ceux qui participent à l’effort. Des voies réservées pour les transports en commun, oui.

Mais parce que les transports en commun ne pourront pas être implantés partout, il faut donner des privilèges importants à ceux qui se lancent dans la révolution en participant au covoiturage, à l’auto en libre partage et à l’électrification des transports.

Cela, tant sur la route que dans les stationnements publics et privés. Facile, avec comme appui des technologies qui existent déjà et permettent à ceux qui veulent de faire le saut.

Ensuite, il faut rompre avec « l’automobilisation » de nos villes. Dans Outremont, la rue Laurier vient d’être refaite de bord en bord. On y a installé des lampadaires destinés, d’abord et avant tout, à éclairer le trafic automobile. Quel genre d’ambiance a-t-on voulu créer ?

Il est plus que temps de se doter de plans de piétonnisation intelligents. Cela, pour des quartiers comme le Vieux-Montréal, mais aussi pour des rues destinations comme les rues Sainte-Catherine, Saint-Hubert ou Fleury.

Finalement, une troisième action serait de dompter une fois pour toutes la circulation dans le Grand Montréal, pour ainsi permettre à ceux qui choisissent le transport actif de le faire en toute sécurité. L’installation d’une centaine de radars et caméras mobiles, déplacés régulièrement, obligerait les automobilistes à respecter les règles de base, tant en termes de vitesse que d’arrêt aux « stops » et aux feux rouges.

Ces trois actions ne constituent pas un plan en soi. Mais reconnaissons qu’entre l’alternative qui s’offre aujourd’hui à nous, soit le monde des dinosaures ou celui des licornes, elles ont le mérite d’être simples et facilement déployables.

Ce texte a été publié dans La Presse+

Félix-Antoine Joli-Coeur